Décret tertiaire et bail commercial : une clause de collaboration entre bailleur et locataire s’impose

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Décret tertiaire et bail commercial : une clause de collaboration entre bailleur et locataire s’impose

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Le décret tertiaire incarne l'importance du rôle de l'immobilier dans la transition vers une sobriété énergétique engageant bailleurs et locataires dans l'amélioration de performance énergétique des actifs immobiliers. Il apparait dès lors impératif de s'entourer de conseils d'un avocat spécialisé pour anticiper les implications légales et définir clairement les responsabilités de chacun garantissant ainsi une valorisation durable du patrimoine immobilier.

les bâtiments tertiaires consomment plus d’un tiers de la consommation d’énergie du secteur du bâtiment, selon l’Agence de la transition écologique.

Pour répondre aux enjeux de la rénovation énergétique, le décret tertiaire et ses arrêtés d’application imposent une réduction progressive de la consommation énergétique pour tous les acteurs du secteur.

1. Cadre légal et règlementaire du décret tertiaire

Le décret n° 2019-771 du 23 juillet 2019 (ci-après le « décret tertiaire ») entré en vigueur le 1er octobre 2019, a été pris en application de l’article 175 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, (ci-après la « loi « Elan »).

Depuis sa publication, cinq arrêtés et un décret modificatif ont précisé les modalités de mise en œuvre du décret tertiaire désormais codifié aux articles L. 174 -1 du Code de la construction et de l’habitation, R. 174-22 à R. 174 -32 et R. 185-2 du même code.

Le décret tertiaire concerne tout bâtiment, parties de bâtiments ou ensembles de bâtiments à usage tertiaire d’une surface de plancher au sens du droit de l’urbanisme, supérieure ou égale à 1000 m².

A noter que le seuil de 1 000 m² mentionné ici est inférieur à celui établi par l’article L. 125-9 du code de l’environnement, qui concerne l’annexe environnementale des baux et s’applique aux bâtiments de plus de 2 000 m² à usage de bureaux ou de commerces. Cette distinction résulte d’une volonté législative d’inclure une proportion plus large du parc tertiaire.

Selon l’arrêté du 24 novembre 2020 l’activité tertiaire est définie comme « une activité économique marchande ou non marchande qui ne relève pas du secteur primaire ou secondaire ».

Les activités marchandes du secteur tertiaire sont notamment le commerce, les transports, les activités financières, les services rendus aux entreprises et aux particuliers, l’hébergement, la restauration, l’information-communication et l’immobilier tandis que les activités tertiaires non marchandes sont par exemple, l’administration publique, l’enseignement, la santé humaine, l’action sociale.

Il convient de souligner que la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021, ou loi Climat et résilience, a élargie champ d’application des obligations du décret tertiaire. Désormais, ces obligations s’appliquent à tous les bâtiments existants, et ne se limitent plus seulement à ceux qui étaient en vigueur au moment de la publication de la loi Elan.

Le décret tertiaire prévoit ainsi trois obligations principales qui incombent aux propriétaires et preneurs à bail :

  • réduction du niveau de consommation d’énergie pour atteindre les objectifs ;
  • communication des données de consommation d’énergie sur la plateforme dédiée OPERAT ;
  • production au contrat de bail d’une « évaluation du respect de l’obligation ».

2. Décret tertiaire : objectifs énergétiques

Les bâtiments concernés doivent atteindre, pour chacune des années 2030, 2040 et 2050, l’un des objectifs suivants :

  • Approche relative : une réduction de la consommation d’énergie finale respectivement de 40 % en 2030, 50 % en 2040, et 60 % en 2050, par rapport à une année pleine d’exploitation de référence choisie ajustée en fonction des variations climatiques par l’assujetti et ne pouvant être antérieure à 2010 ;
  • Approche absolue : un niveau de consommation d’énergie finale fixé en valeur absolue pour chaque décennie, déterminé en fonction de la consommation énergétique des bâtiments nouveaux de leur catégorie.

Les objectifs peuvent être modulés sous certains conditions. Aussi, l’article R 174-31 du Code de la construction et de l’habitation reconnait la possibilité de mutualiser les résultats à l’échelle de tout ou partie d’un patrimoine.  

Ce dispositif favorable aux grands propriétaires immobiliers permet d’apprécier la consommation d’énergie totale sur l’ensemble du patrimoine et de permettre de compenser les « moins bons » résultats de certaines entités fonctionnelles qui n’ont pas atteint l’un des objectifs qui leur étaient assignés par les bons ou excellents résultats obtenus par d’autres entités fonctionnelles qui ont atteint l’un des objectifs.

A noter que les actions de réduction de la consommation d’énergie finale pour les bâtiments à usage tertiaire, peuvent se traduire par la réalisation de travaux de rénovation mais également une meilleure gestion des éléments d’équipement et des locaux.

3. Décret tertiaire : Obligation déclarative

Un reporting détaillé doit être établi avant le 30 septembre de chaque année sur la plateforme en ligne Observatoire de la performance énergétique de la rénovation et des actions du tertiaire (ci-après « OPERAT »).

La déclaration doit comprendre notamment les consommations annuelles d’énergie, par type d’énergie, pour les parties communes et privatives de chaque bâtiment. La vérification des objectifs de réduction aura lieu à chaque échéance décennale, et au plus tard aux 31 décembre 2031, 31 décembre 2041, 31 décembre 2051.

La plateforme génère automatiquement pour chaque bâtiment, l’attestation numérique annuelle et une notation Eco Energie Tertiaire pour qualifier leur avancée dans la démarche de réduction de leur consommation d’énergie.

4. Sanctions

Les sanctions prévues en cas de non-respect des obligations du décret tertiaire varient selon les fautes commises :

  • Défaut de déclaration annuelle sur la plateforme OPERAT : le préfet pourra mettre en demeure l’assujetti, qui disposera d’un délai de trois mois pour transmettre les données requises. A défaut, un document listant les mises en demeure non exécutées sera publié sur un site de l’Etat. Il s’agit là de la sanction du «name and shame », impactant la valeur verte du bâtiment.
  • Non-respect des objectifs de réduction énergétique : le préfet pourra mettre en demeure le propriétaire et le preneur d’établir un programme d’actions. Sans transmission dans les délais impartis, six puis trois mois supplémentaires, une amende de 1.500 euros maximum pour une personne physique et 7.500 euros maximum pour une personne morale, par bâtiment concerné, pourra être imposée. 

5. Impacts du décret tertiaire sur les baux commerciaux et recommandations pratiques

Le texte indique notamment que :

  • les propriétaires et les preneurs à bail sont soumis aux obligations pour les actions qui relèvent de leurs responsabilités respectives en raison des dispositions contractuelles régissant leurs relations. Ils définissent ensemble les actions destinées à respecter cette obligation et mettent en œuvre les moyens correspondants chacun en ce qui les concerne, en fonction des mêmes dispositions contractuelles.
  • la déclaration annuelle des consommations d’énergie sur la plateforme numérique est réalisée par le propriétaire ou par le preneur à bail, selon leur responsabilité respective en fonction des dispositions contractuelles régissant leurs relations, et dans le cadre des dispositions relatives aux droits d’accès sur la plateforme numérique.
  • les propriétaires et les preneurs à bail se communiquent mutuellement les consommations annuelles énergétiques réelles de l’ensemble des équipements et des systèmes dont ils assurent respectivement l’exploitation.

Recommandations pratiques

À la lumière de ces dispositions, il est fortement recommandé d’insérer dans les nouveaux baux commerciaux et les renouvellements une clause « Décret tertiaire ».

Cette clause pourra (i) formaliser l’obligation de collaboration entre les parties pour atteindre les objectifs énergétiques (ii) préciser les travaux de performance énergétique envisagés et leurs modalités de prise en charge (iii) définir les responsabilités de chacune des parties dans la transmission des données de consommation énergétique.

Il serait également pertinent d’organiser des réunions régulières pour permettre aux parties de faire le point sur les objectifs énergétiques et d’évaluer l’efficacité des mesures mises en œuvre.

Il conviendra aussi d’y annexer l’évaluation du respect de l’obligation de réduction de la consommation d’énergie. La production d’une telle annexe renforce le devoir d’information du bailleur.

Enfin, pour les baux en cours, la signature d’un avenant intégrant la clause « Décret tertiaire » est également conseillée. Il conviendra aussi d’y annexer l’évaluation du respect de l’obligation de réduction de la consommation d’énergie.

Chaque client est unique, et chaque solution doit l’être aussi. 

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