CSRD: nouvelles responsabilités des commissaires aux comptes et auditeurs tiers

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CSRD: nouvelles responsabilités des commissaires aux comptes et auditeurs tiers

L’ordonnance n° 2023-1142 du 6 décembre 2023, transpose la directive CSRD et introduit des changements significatifs pour les commissaires aux comptes et auditeurs tiers en leur attribuant de nouvelles responsabilités liées à la certification des informations en matière de durabilité.

L’Ordonnance du 6 décembre 2023 est applicable depuis le 1er janvier 2024. 

Aux termes de cette Ordonnance, ce sont 10 codes de loi qui sont modifiés, comme le Code de Commerce, le Code de l’Environnement, le Code des Assurances, le Code de la Commande Publique ou le Code du travail pour n’en citer que quelques-uns. 

Cet article se limite aux dispositions de l’Ordonnance concernant les Commissaires aux Comptes, les organismes tiers et les auditeurs indépendants, qui sont les professionnels chargés d’auditer et certifier le Rapport de Durabilité des entreprises.

1. La Haute Autorité de l’Audit (H2A)

Le Haut Conseil du Commissariat aux Comptes (H3C) est désormais nommée  « Haute Autorité de l’Audit » (H2A).

C’est une autorité publique indépendante avec diverses missions, dont l’inscription des commissaires aux comptes sur la liste des professionnels agrées et, nouveauté, l’inscription des organismes et auditeurs en matière de durabilité.

La Haute Autorité de l’Audit surveille la mise en œuvre des normes en matière de durabilité, édicte des règles déontologiques, gère le suivi de la formation continue, la réalisation de contrôles et la coopération internationale.

Elle peut déléguer certaines missions à la Compagnie Nationale des Commissaires aux Comptes.

On peut également remarquer :

  • La création de commissions de normalisation pour la certification des informations en matière de durabilité et pour préciser les missions des commissaires aux comptes,
  • L’obligation de secret professionnel pour le personnel de la Haute autorité et les participants à ses activités, avec certaines exceptions en matière judiciaire,
  • La création d’une commission des sanctions incluant un  service d’enquête pour préparer les procédures de sanctions des CAC, des organismes tiers et des auditeurs indépendants,
  • Diverses interdictions temporaires de faire partie de la H2A, visant les anciens gérants de sociétés, afin d’éviter les conflits d’intérêts.

2. Le nouveau statut des  commissaires aux comptes

a) Responsabilité des informations en matière de durabilité

Les Commissaires aux Comptes (CAC) ont désormais la responsabilité de la certification des informations en matière de durabilité.

Cela signifie que les CAC auront désormais une double responsabilité : 

  1. La certification du rapport comptable établi par les experts-comptables, et
  2. La certification du rapport de durabilité établi par les organismes et auditeurs en matière de durabilité. 
 

b) Utilisation de normes et de méthodologies établies :

Le CAC réalise sa mission en suivant les normes d’audit européennes (mises au point par efrag.org) ainsi que les normes internationales (normes IFRS, disponibles sur ifrs.org)

En l’absence de normes européennes ou internationales, le commissaire se réfère aux normes françaises ou à celles adoptées par la Haute Autorité de l’Audit après validation par le Ministre de la Justice.

Le commissaire aux comptes adapte l’application des normes en fonction de la taille et de la complexité de l’entité, selon les directives de la Haute autorité et en conformité avec les attentes de la directive CSRD au regard du rapport de durabilité  simplifié des TPE et PME.

c) L’examen contradictoire du rapport de durabilité

Une mission centrale du CAC est l’examen contradictoire des informations du rapport de durabilité.

L’examen contradictoire permet un débat autour des informations du rapport, que l’audit soit réalisé par deux commissaires aux comptes ou par une combinaison d’un commissaire aux comptes et d’un organisme tiers indépendant.

L’objectif de cet examen contradictoire est d’assurer une évaluation complète et rigoureuse des informations, en permettant aux commissaires aux comptes de confronter et de valider mutuellement leurs observations et conclusions, et d’émettre des réserves le cas échéant.

De plus, l’Ordonnance prévoit que un ou plusieurs actionnaires ou associés représentant au moins 5 % du capital ou des droits de vote peuvent exiger la nomination d’une  personne morale accréditée, différente et sans liens avec le CAC ou l’organisme déjà missionné, en vue de préparer un rapport sur certaines informations du rapport de durabilité.

En d’autres termes, ces actionnaires et associés peuvent exiger un rapport indépendant sur certains points du rapport du CAC et des organismes tiers.

d) Formation et spécialisation

L’ordonnance établit les critères pour qu’une personne physique soit inscrite sur la liste des commissaires aux comptes autorisés à certifier des informations en matière de durabilité :

  • Être déjà inscrit sur la liste initiale des commissaires aux comptes.
  • Avoir effectué un stage d’au moins huit mois chez un commissaire aux comptes ou un organisme tiers indépendant, tous deux dûment inscrits.
  • Avoir réussi un examen spécifique sur la certification d’informations en matière de durabilité.

Il est également précisé que les personnes agréées dans un autre État membre de l’Union européenne pour des missions similaires peuvent être inscrites sur la liste de l’H2A, à condition de passer avec succès un examen d’aptitude et sous réserve de réciprocité.

Une formation continue est également prévue.

3. Les  organismes tiers et auditeurs de durabilité

a) Généralités

L’audit de durabilité peut être effectué par des auditeurs spécialisés au sein d’organismes tiers, indépendants de la société qui les missionne et du Commissaire aux Comptes qui certifiera leur audit.

Ces organismes tiers, ainsi que les auditeurs individuels, doivent être inscrits sur la liste officielle de l’H2A.  

Les organismes et auditeurs en durabilité sont également soumis au code de déontologie des commissaires aux comptes.

Il est bien évidement interdit aux organismes et auditeurs de détenir des intérêts dans les entités qu’ils certifient, et des restrictions sont imposées pour leur embauche au sein des entités qu’ils ont certifiées, dans le but de préserver leur indépendance et l’objectivité des informations du rapport.

Parallèlement des délais sont imposés avant qu’un ancien dirigeant de société puisse certifier les informations en durabilité de son ancienne entité (en général 3 ans).

Comme les commissaires aux comptes, les auditeurs en durabilité doivent suivre une formation professionnelle continue pour maintenir leurs compétences.

b) Choix et récusation d’un organisme ou auditeur indépendant

L’organisme tiers ou l’auditeur indépendant est désigné par l’Assemblée Générale ou un organe équivalent, avec la désignation d’un suppléant en cas de besoin.

L’organisme tiers ou l’auditeur indépendant est nommé pour six exercices, avec expiration des fonctions après l’approbation des comptes du sixième exercice.

La récusation de l’organisme tiers ou de l’auditeur peut être demandé en justice et elle sera prononcée après constatation de la réalité d’un conflit d’intérêt ou d’une faute professionnelle, avec désignation judiciaire d’un nouvel organisme si nécessaire.

Selon le Code de Commerce, la procédure de récusation (ou de relèvement de ses fonctions) peut être initiée par un ou plusieurs actionnaires ou associés détenant au moins 5 % du capital social, par le comité d’entreprise, par le ministère public, ou encore par l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) pour les entreprises cotées sur un marché financier réglementé.

4. Responsabilité civile des CAC et auditeurs tiers

Les Commissaires aux Comptes, les organismes et auditeurs tiers indépendants sont civilement responsables des dommages causés par leurs fautes ou négligences dans la certification des informations en matière de durabilité.

Toutefois leur responsabilité n’est pas engagée pour les informations divulguées dans l’exercice de leur mission et qui porterait préjudice à l’entité qui les missionne: en effet, la divulgation de telles informations est précisément l’objectif de la CSRD.

Un préjudice d’image subi par l’entité concernée ne sera que la conséquence de ses choix préalables en matière d’ESG, tout en constituant une opportunité d’améliorer pour le futur son comportement et sa chaîne de valeur.

5. Sanctions

Les sanctions applicables aux Commissaires aux comptes (Ordonnance n° 2016-315 du 17 mars 2016) sont désormais applicables aux organismes et auditeurs indépendants.

Outre les avertissements et blâmes, l’ordonnance confirme les sanctions qui existaient auparavant en les étendant aux organismes et auditeurs tiers.

  • Interdiction d’exercer la mission de certification des informations en matière de durabilité ou d’en accepter de nouvelles pour une durée n’excédant pas trois ans,
  • Radiation des listes de l’H2A,
  • Publication d’une déclaration indiquant que le rapport de certification des informations en matière de durabilité présenté à l’assemblée générale ne remplit pas les exigences imposées par la loi,
  • Interdiction, pour une durée n’excédant pas trois ans, d’exercer des fonctions d’administration ou de direction au sein d’un organisme tiers et au sein d’entités d’intérêt public,
  • Paiement d’une sanction pécuniaire, ne pouvant excéder :
    • Pour un auditeur individuel, 250 000 euros,
    • Pour un organisme tiers indépendant, la somme la plus élevée entre 1 million d’euros ou la moyenne annuelle des honoraires facturés durant l’exercice où est réalisée la faute et les deux exercices précédents,
    • En cas de faute réitérée dans les cinq ans, une sanction pécuniaire d’un maximum du double des montants prévus, soit 500 000 euros ou 2 millions d’euros.

Toute autre personne participant à la mission de certification ou les personnes qui sont étroitement liées à l’auditeur encourent les sanctions suivantes:

  • Interdiction d’exercer des fonctions d’administration ou de direction au sein d’entités d’intérêt public,
  • Interdiction d’exercer des missions de certification des informations en matière de durabilité, pour une durée n’excédant pas trois ans,
  • Paiement d’une sanction pécuniaire, avec des montants maximaux spécifiques selon le statut de la personne :
    • Pour les personnes physiques (selon leur rôle), jusqu’à 50 000 euros ou 250 000 euros,
    • Pour les personnes morales, jusqu’à 500 000 euros ou le double de l’avantage tiré de l’infraction, avec un plafond d’un million d’euros ou basé sur la moyenne annuelle des honoraires facturés.

6. Sanctions diverses

Ces sanctions visent à interdire l’usage illégal de la dénomination d’organisme tiers indépendant ou d’auditeur des informations en matière de durabilité.

  • Usage illégal de la dénomination sans inscription régulière:
    • Emprisonnement d’un an
    • Amende de 15 000 euros
  • Exercice illégal de l’activité d’auditeur des informations en matière de durabilité:
    • Emprisonnement d’un an
    • Amende de 15 000 euros
    • Application des articles du code pénal relatifs au secret professionnel.
  • Sanctions pour l’acceptation, l’exercice ou la conservation des fonctions d’auditeur en dépit des incompatibilités légales: 
    • Emprisonnement de six mois
    • Amende de 7 500 euros
  • Sanctions pour les auditeurs fournissant des informations mensongères ou ne révélant pas les faits délictueux au procureur:
    • Emprisonnement de cinq ans
    • Amende de 75 000 euros

Conclusion

L’Ordonnance n° 2023-1142 du 6 décembre 2023 représente une étape importante dans l’alignement de la législation française sur les standards européens et internationaux en ce qui concerne le Rapport de Durabilité des Entreprises.

En introduisant des exigences fortes pour la certification des informations en matière de durabilité, l’ordonnance renforce le rôle des commissaires aux comptes et établit un cadre clair pour l’audit de ces informations.

L’intégration des auditeurs en matière de durabilité dans le champs de compétence de la Haute Autorité de l’Audit introduit une supervision nationale  de ces professions ainsi que de l’application des normes européennes et internationales.

Les dispositions relatives à la formation, à l’examen contradictoire des rapports de durabilité, ainsi que les sanctions applicables en cas de manquements  soulignent l’importance accordée à la qualité et à la fiabilité des informations publiées par les entreprises.

Cette ordonnance constitue donc un pas important dans la transposition de la CSRD et dans la traduction d’une prise de conscience internationale quant à l’avenir de notre planète et de nos systèmes économiques, en vue d’une plus grande responsabilité des entreprises en matière de durabilité.

Références

CSRD: nouvelles obligations des entreprises

Rappels sur les origines de l’ESG, de la RSE et de la CSRD

Texte de la CSRD (telle qu’adoptée par le Parlement Européen)

Ordonnance n° 2023-1142 du 6 décembre 2023

Code de Commerce (nomination, récusation CAC)

Site web de l’H2A

Site de l’EFRAG (normes européennes ESRS et EFRS)  

Normes IFRS (normes internationales)

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