Selon l’article 2288 du Code civil: « Le cautionnement est le contrat par lequel une caution s’oblige envers le créancier à payer la dette du débiteur en cas de défaillance de celui-ci ».
Le cautionnement est une pratique courante dans le monde des affaires. Il permet à une personne (la caution) de se porter garant pour une autre (le débiteur) en cas de défaillance de ce cette dernière dans le remboursement d’un prêt. C’est ce qui permet l’octroi du prêt au débiteur en rassurant le créancier.
Lorsque le cautionnement est souscrit par un dirigeant d’entreprise, cela peut avoir des conséquences importantes, car il engage sa responsabilité personnelle et peut être contraint de rembourser les dettes de l’entreprise en puisant dans son patrimoine personnel.
Cette situation peut avoir des conséquences sérieuses pour le dirigeant qui peut se retrouver endetté ou en difficulté financière.
En plus des conséquences financières, le stress et les incertitudes générées par une telle situations sont typiquement le genre d’inconvénients qu’un avocat peut aider à éviter.
1. Les Risques du cautionnement solidaire du dirigeant
a) Solidarité avec l’entreprise
En cas de cautionnement, la responsabilité du dirigeant est solidaire avec celle de l’entreprise, ce qui signifie qu’il peut être tenu responsable de la totalité de la dette, même si d’autres cautions sont également impliquées.
Les créanciers pourront se tourner en premier lieu vers le dirigeant cautionnaire pour recouvrer les sommes dues, sans avoir à d’abord poursuivre l’entreprise en difficulté ni d’autres éventuelles cautions.
C’est pourquoi il est primordial pour les dirigeants d’entreprise de bien comprendre les implications et les risques liés à chacun des cautionnements qu’ils souhaitent souscrire, avant de s’engager.
b) Effet sur le patrimoine personnel
Le cautionnement souscrit par un dirigeant peut avoir un impact significatif sur son patrimoine personnel.
Dans le cas où il est poursuivi pour rembourser les dettes de l’entreprise pour laquelle il s’est porté caution, le dirigeant peut se retrouver dans une situation financière délicate et être contraint de prendre des mesures drastiques pour couvrir les sommes dues.
Par exemple, le dirigeant peut être contraint de vendre certains de ses biens personnels, tels que sa maison ou sa voiture, afin de rassembler les fonds nécessaires au remboursement, ce qui est une dévalorisation de son patrimoine.
Or, les biens perdent mécaniquement de la valeur au fil du temps, ce qui signifie que le montant obtenu lors de la vente sera forcément inférieur à leur valeur financière initiale, mais aussi inférieur à la valeur utilitaire de ce bien: la perte est donc double puisqu’en plus d’avoir vendu à un prix inférieur à celui du marché, il faudra en plus trouver une solution pour remplacer le bien vendu, qu’on utilisait encore.
Dans le cadre d’une vente judiciaire, le bien n’est que très rarement vendu à sa valeur de marché, mais à un prix moindre qui dépend aussi d’enchères. L’intérêt des acquéreurs est de récupérer un bien à un meilleur prix que le prix de marché, et les enchères ne montent haut que pour des biens exceptionnels.
L’appel de la caution peut donc avoir des impacts négatifs sur plusieurs plan, et au moins sur le patrimoine personnel et la stabilité financière globale du dirigeant.
c) Incidence sur la vie professionnelle
Le cautionnement peut avoir un impact significatif sur la vie professionnelle du dirigeant, dépassant les conséquences purement financières ou privées.
En effet, en cas de défaillance de l’entreprise pour laquelle il s’est porté caution, le dirigeant peut être confronté à une situation susceptible de compromettre sa carrière et ses opportunités professionnelles à long terme.
L’une des conséquences potentielles majeures est l’interdiction de gérer une entreprise pendant une période déterminée. Cette interdiction peut être imposée par les tribunaux pour différentes causes, dont la faute de gestion ou la dissimulation des difficultés de l’entreprise (voir l’article L651 du Code de Commerce).
L’interdiction de gérer peut non seulement affecter la réputation et la crédibilité du dirigeant, mais aussi limiter ses possibilités d’emploi futur dans le domaine de la gestion d’entreprise.
c) Effets sur le plan personnel
Chacun imagine assez facilement qu’une interdiction de gérer une entreprise aura également des conséquences sur le plan personnel.
Outre les problématiques purement familiales ou relative à l’estime de soi et à la motivation, le simple fait d’être contraint de trouver un emploi dans une autre entreprise dans une telle situation peut être un défi de taille.
2. Intérêts et mesures de protection
a) Intérêts du cautionnement
L’un des avantages immédiat du cautionnement est qu’il facilite l’accès au financement de l’entreprise, d’une façon simple et rapide.
Les prêteurs sont en effet plus enclins à accorder un prêt ou une ligne de crédit si le dirigeant est prêt à se porter garant personnellement.
Le cautionnement du dirigeant est souvent, pour les préteurs, la condition sine qua non pour accorder les fonds nécessaires pour l’activité de l’entreprise, sa croissance et ses investissements.
Le fait de se porter caution peut également renforcer la confiance des partenaires commerciaux et de fournisseurs de l’entreprise. Cela peut faciliter les négociations et les relations commerciales, car les tiers seront rassurés par la présence d’une garantie personnelle du dirigeant.
b) Mesures de protection
Le dirigeant doit penser à mettre en place des mesures de protection pour prévenir les conséquences négatives en cas de défaillance de l’entreprise.
Voici quelques moyens connus pour se protéger :
- Évaluer les risques: avant de se porter caution, le dirigeant doit évaluer soigneusement la situation financière de l’entreprise et sa capacité à rembourser les dettes. Une analyse approfondie permettra de prendre une décision éclairée quant à son engagement de cautionnaire.
- Limiter le montant du cautionnement: il est préférable de limiter le montant du cautionnement à une somme raisonnable et proportionnelle aux capacités de remboursement du dirigeant. Cela semble évident, mais lorsque le dirigeant place toute sa confiance dans le succès de son entreprise, il est plus enclin à garantir des sommes dépassant largement les capacités de son patrimoine personnel. Or, il doit absolument éviter de se porter caution pour des dettes excessives qui pourraient mettre en péril son patrimoine personnel. Le dirigeant peut appliquer à lui-même la devise des investisseurs en bourse: « ne jamais investir plus que ce qu’on est capable de perdre ».
- Négocier des clauses protectrices: lors de la signature du contrat de cautionnement, il faut mettre en place des clauses protectrices qui limitent la responsabilité du dirigeant en cas de défaillance de l’entreprise. Ces clauses juridiques peuvent inclure des plafonds de responsabilité et des délais de préavis pour le remboursement des dettes.
- Se faire conseiller par des professionnels: il est fortement recommandé de consulter des avocats en droit des affaires et des conseillers financiers pour obtenir les conseils appropriés. Ces professionnels, dont fait partie Fieloux Avocats, pourront guider le dirigeant dans la prise de décisions éclairées et dans la mise en place de mesures de protection adéquates.
3. Exceptions
La réforme des procédures collectives (traitement des difficultés de l’entreprises) entrée en vigueur en Octobre 2021 a largement assouplie le régime de la caution personne physique.
a) Pendant la procédure de conciliation
La loi accorde à la caution personne physique les mêmes avantages que ceux consentis à l’entreprise, notamment en termes de délais et remises accordés par les créanciers.
b) Pendant la procédure de sauvegarde
En cas de possibilité de sauvegarde de l’entreprise, la caution personne physique n’est pas tenue de payer les dettes pendant la période d’observation et le plan de sauvegarde.
Cependant, la caution peut être poursuivie en cas d’inexécution du plan de sauvegarde, qui mène généralement à la liquidation judiciaire.
c) Après le jugement d’ouverture d’un redressement judiciaire
Aucune action ne peut être exercée contre une caution personne physique jusqu’à l’arrêt du plan de redressement. Elle bénéficie également de l’arrêt des intérêts et des avantages accordés à l’entreprise.
d) Situation en cas de liquidation judiciaire
Dans ce cas, la caution personne physique ou personne morale n’est pas protégée et l’exécution de son engagement de caution peut être exigée à tout moment.
e) Sort des engagements disproportionnés
Dans le cadre d’une procédure collective, la caution peut tenter d’obtenir du Juge l’annulation (si conclue avant 2022) ou la réduction de son engagement (si conclue après 2022) si l’engagement est jugé disproportionné.
Toutefois, le cas est rare et il faudra prouver cette disproportion, qui suppose souvent une négligence ou une faute manifeste de la part du créancier dans la vérification du patrimoine du dirigeant, faute qui conduit le créancier à perdre le bénéfice de la caution.
Conclusion
Se porter caution en tant que dirigeant d’entreprise peut présenter des avantages, tels que faciliter l’accès au financement et renforcer la confiance des partenaires commerciaux.
Cependant, il est important d’être conscient des conséquences d’un tel engagement, et prendre des mesures pour se protéger contre les conséquences négatives en cas de défaillance de l’entreprise.
Si des exceptions existent, les conditions de leur application en font des évènements plutôt exceptionnels qui devront de toute façon être démontrés devant un juge, qui aura le choix de décider ou non de l’annulation ou de la réduction de la caution.
Évaluer les risques, limiter le montant du cautionnement, négocier des clauses protectrices et se faire conseiller par des professionnels sont autant de moyens préventifs efficaces pour prévenir les dommages potentiels tant sur le plan financier que sur le plan personnel.